Jamaïque #7, weekend détente (ou pas) à Boscobel

Après deux week-ends de suite coincée à Kingston, où il n’y a rien à faire que de travailler, j’ai eu envie d’une excursion à la mer. Les alentours d’Ocho Rios au Nord avaient l’air prometteur.


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Bon j’exagère, à Kingston il y a des trucs.

  • le musée Bob Marley, mais ça coûte cher et d’après tous les Jamaïcains à qui j’ai demandé, ça ne vaut pas le coup ;
  • il y a aussi Port Royal où apparemment on peut manger de la super langouste, mais c’est à 25 km de la ville – autant dire que si t’as pas de voiture, t’y vas pas (mais j’ai prévu de trouver un moyen avant de partir, quand même !) ;
  • en face de Port Royal, il y a l’île de Lime Key, mais là double problème logistique puisque qu’en plus de la voiture, il te faut un bateau, et que comme il n’y a pas de ferry/navette, la seule option c’est de soudoyer un pêcheur pour qu’il t’emmène – je ne m’y risquerai pas toute seule.
  • Devon House, où on peut manger de bonnes glaces à ce qu’il paraît. Dommage, je suis pas très glace.

Voilà on a fait à peu près le tour de ce que Kingston a à offrir.

Bref, tout ça pour dire que j’avais envie de voir du pays, et donc je suis partie. J’ai repris le Knutsford Express le vendredi après-midi. Je devais me rendre à Boscobel exactement, une bourgade à côté d’Ocho Rios. Et ben figure-toi que j’ai retrouvé mes galères de transport des premiers jours. Deux heures de route d’après notre ami Google Maps. Dans la vraie vie, quatre heures. Ou comment ruiner ton planning.

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Arrivée à l’arrêt du Knutsford à New Kingston, la galère commence. Une queue monstrueuse au guichet, les gens s’entassent dans la petite pièce, l’air conditionné est cassé, je n’ai pas réservé ma place, je me dis que c’est fichu, que d’ici à ce que ce soit mon tour il n’y aura plus de ticket de bus. La jeune fille à côté de moi est dans la même situation que moi, on croise les doigts ensemble. Elle me dit qu’elle va à Montego Bay ; que ça fait trois fois en deux jours qu’elle vient faire la queue pour qu’on lui dise qu’il n’y a plus de place une fois arrivée au guichet ; et qu’elle a une voiture mais pas envie de conduire toute seule. Sont fous ces jamaïcains ! Trois fois une heure de queue étalées sur deux jours, au lieu de 4 heures de voiture et basta on en parle plus… Bref on arrive au guichet et ouf ! Il reste une place pour chacune d’entre nous.

Énorme averse tropicale entre le guichet et le bus. Même pas 10 mètres à faire et je suis trempée jusqu’aux os. Je n’avais jamais vraiment compris l’expression « pluie torrentielle » jusqu’à présent. J’ai littéralement dû traverser un torrent entre le trottoir et la porte du bus.
Et hop c’est parti, une heure rien que pour sortir de Kingston à cause des embouteillages. Deux heures de plus pour traverser les montagnes du Sud au Nord. Je crois bien que ce furent les deux meilleures heures de mon weekend.
A travers monts et collines, je me suis prise à rêvasser en regardant le paysage passer sous les trombes d’eau. On aurait dit l’Irlande. Non, non, sans blague. Des collines vertes à perte de vue, avec la lumière particulière qui filtre à travers les gouttes, et qui fait apparaître le rideau de la pluie tout en poésie. L’Irlande quoi. La chaleur et les palmiers en plus.

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© Eroy Serrao

Arrivée à Ocho Rios aux environs de 18h, je m’attendais à ce qu’il y ait une file de taxis prêts à se bastonner pour m’emmener où je voulais. Comme à l’arrêt du Knutsford de Kingston, en fait. Et ben non. Il n’y avait pas un chat, si ce n’est les particuliers qui viennent chercher des chanceux.

Je ne me suis pas laissée démonter. J’ai vu un panneau routier direction Boscobel, la bourgade où j’avais réservé une chambre sur AirBnB. J’ai donc commencé à marcher dans la direction de Boscobel, en priant pour qu’un « route taxi » s’arrête et m’emmène.

Ndlr : Ce fut par ailleurs la première fois que j’utilisais AirBnB, et j’ai pas kiffé.

J’entends un klaxon, je lève la main, le type s’arrête, il me dit :

– Boscobel ? No problem, yeah man.
– Cool, yeah man.
Une fois installée, il me sort :
– Et combien tu vas me payer pour aller là-bas ?
Les ennuis commencent. Je m’étais renseignée, et le tarif c’est environ 250 JM$[1]. Je dis donc :
-250 JM$.
Ce à quoi il me répond :
– Quoi c’est tout ? Ha, mais pour ce prix là je peux pas t’emmener, je suis pas route taxi moi.

Ha bon, première nouvelle. C’est là que j’ai appris l’élément le plus crucial du guide de survie du baroudeur en Jamaïque : que les taxis sont en fait organisés, par districts attribués, malgré l’impression de chaos absolu qu’ils donnent à l’œil mal avisé de la jeune touriste qui débarque que je suis. Moi je pensais que toutes les plaques d’immatriculation rouges étaient bonnes à prendre. Ben non. Lui c’était un taxi de ville. Comment tu peux voir la différence ? Ben tu peux pas, faut le savoir c’est tout. En principe c’est marqué dessus, sur la portière, mais en petit et dans la nuit tu ne ne peux juste pas savoir. Puis de toutes façons je n’ai jamais réussi à trouver la bonne étiquette. Mieux vaut demander. Et encore, ‘sont pas toujours clairs ou utiles dans leurs conseils les gens, dans ce pays.

route-taxi

Il me dépose donc à 100m du point de rdv des routes taxis, en me disant :

– At the clock tower you’ll find route taxis. (Si t’es pas bilingue, et ben c’est pas de bol. Y a toujours l’Internet).

Je marche, je demande à un flic, je marche encore, et je ne trouve pas la clock tower (le clocher). Il fait nuit et je suis dans un quartier très animé mais pas du tout touristique, avec des marchands ambulants et des types déambulant. J’ai l’impression de faire tâche en minishort jaune et petit débardeur dans la fraîcheur de la nuit tombée, avec mes sandales trempées à force de déraper dans les flaques en essayant d’éviter les badauds. J’ai l’impression qu’on me regarde de travers. Je ne me sens pas trop à mon aise. Je continue de marcher dans la direction de Boscobel. Je demande à quelques taxis sur la route s’ils peuvent m’emmener, on me répond sèchement des :

– Non ! Je vais pas jusque là !

Jusqu’à ce qu’un d’entre eux me dise de faire demi-tour et d’aller à cette foutue clock tower.
Je reviens sur mes pas, et enfin je la repère. Tu parles d’une tour, elle monte moins haut que le toit de la station essence d’à côté. Et en effet, il y a des route taxis qui attendent. Je demande à une vieille femme lequel va m’emmener à Boscobel, et enfin je tombe sur quelqu’un de sympa ! Elle me dit monte avec moi, je vais dans cette direction moi aussi. Ouf. Il est presque 19h et je commençais à être un peu inquiète. D’autant que c’est déconseillé par les jamaïcains eux-mêmes pour une jeune fille de marcher seule la nuit dans des quartiers populaires, et de prendre seule les route taxis de nuit, d’autant plus si t’es blanche et touriste. En partie rapport au fait que, tu sais, c’est ceux où tu es entassé avec 4 ou 5 inconnus à l’arrière.
Mais attends parce que c’est pas fini ! Et oui car en fait, je savais pas où j’allais. Enfin, plus ou moins, fallait longer la côte vers l’Est. Mais souviens-toi qu’ici quand t’es le passager t’es censé savoir où t’arrêter et donc quand crier au chauffeur « driver stop ! ». Je savais que c’était environ 1 km avant l’aéroport, et qu’il y avait une poubelle bleue devant la maison. Mais c’est tout, et pour couronner le tout dans la nuit tous les chats sont gris, alors les poubelles bleues…
J’ai scruté pendant 20 min de trajet, rien vu, paniqué, demandé à mon voisin – enfin plus exactement le mec sur le genou duquel reposait ma fesse gauche – si on avait déjà passé l’aéroport. Non, on ne l’avait pas encore passé. Là le chauffeur s’est retourné et m’a demandé où j’allais. Je lui ai donné mes maigres infos, et il a trouvé la maison. J’avais conclu à tort et un peu à la va-vite que les chauffeurs de taxis jamaïcains étaient tous peu serviables (mais à raison qu’ils étaient mal aimables).

Enfin, arrivée vers 19h30 – 20h à la maison. Pour info, j’étais partie à 14h de Kingston pour arriver vers 17h sur place. Me suis couchée sans manger. Y avait rien à bouffer de toutes manières.

Déception. Pourtant la maison vendait du rêve, les pieds dans l’eau !

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Mais t’attendras l’épisode prochain pour comprendre…

 

[1] Environ 1,80 €.

 

2 Comments

  1. 1 décembre 2016

    ah mais tu m’as tellement fait rire! Hâte de pouvoir lire la suite…
    En attendant, je pense remonter tes billets sur la Jamaïque, je ne connais pas du tout mais tu le décris si bien que je vais facilement m’y imaginer!

  2. 20 janvier 2017

    Laura Gondin, la seule personne qui arrive à illuminer mes journée avec des histoires de taxi. J’espère avoir le temps de lire la suite aujourd’hui parce que je dois bien reconnaître que ça m’intrigue 😉

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